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Les vices cachés sur un véhicule ancien ou d’occasion : nécessité d’une expertise précise.
Droit civil
La notion de vices cachés est définie par l’article 1641 du code civil :
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
On dégage habituellement 3 critères pour caractériser un vice caché :
- Le défaut doit être un défaut caché, c'est-à-dire non apparent lors de l'achat
- Le défaut doit rendre le bien inutilisable ou diminuer très fortement son usage
- Le défaut doit exister au moment de l'achat
Pourtant, sur un véhicule ancien, un défaut peut être invisible à l’achat, rendre le véhicule inutilisable, et avoir pour origine un phénomène existant déjà au moment de la vente, sans pour autant constituer un vice caché.
En effet, une distinction moins souvent rappelée mais pourtant déterminante trouve à s’appliquer particulièrement aux véhicules anciens ou d’occasion :
La jurisprudence a toujours distingué le vice caché, du défaut relevant de l’usure normale.
En pratique, il en découle deux choses : d’une part la qualification de vice caché est réservée aux défauts dus à une conséquence autre que la seule vétusté, et d’autre part le juge saisi d’un tel cas doit être suffisamment éclairé sur l’origine du défaut pour pouvoir se prononcer.
De nombreuses jurisprudences illustrent ces principes :
Cour d'appel, Nouméa, Chambre civile, 30 Avril 2015 – n° 13/00366 :
« Attendu que si la garantie contre les vices cachés s'applique aux choses neuves ou d'occasion, la jurisprudence rappelle régulièrement que le principe de la prévisibilité de certains défauts, même d'une certaine gravité, est l'une des caractéristiques essentielles des véhicules d'occasion ;
Attendu qu'ainsi, pour les biens d'occasion, l'acheteur ne peut s'attendre à en retirer le même usage ou à profiter des mêmes qualités que si le bien avait été neuf car des défauts peuvent apparaître, alors qu'ils ne sont dus qu'à l'usure ou à la vétusté »
Cour d'appel, Poitiers, 1ère chambre civile, 29 Mai 2018 – n° 16/03501 :
« La notion de vice caché suppose un défaut de fabrication ou de conception inhérent à la chose vendue ou à l'un de ses éléments d'équipement.
L'usure normale d'une pièce à la durée de vie limitée n'est pas constitutive d'un vice caché. »
Cour d'appel, Rennes, 2e chambre, 17 Mars 2017 – n° 14/01561 :
« il n'est pas démontré que le remplacement de ces accessoires ne résulte pas de l'usure normale d'un véhicule d'occasion âgé au moment de la vente de 9 ans et ne constitue pas des frais auxquels l'acquéreur peut s'attendre en raison de l'ancienneté du véhicule. »
Ainsi, une panne provenant de l’une des très nombreuses pièces qui nécessitent d’être remplacées à plus ou moins long terme ne permettra pas forcément d’agir pour vice caché contre le vendeur, quand bien même le problème aurait été invisible, grave et aurait trouvé son origine antérieurement à la vente.
Amortisseurs, embrayage, filtres, disques de frein, démarreur… autant d’éléments pour lesquels il ne suffira pas de démontrer les trois critères habituellement rappelés.
L’acquéreur devra nécessairement prouver que la panne est due à un défaut imprévisible de fabrication, de conception, d’utilisation ou d’entretien antérieur à la vente, et non à la seule vétusté.
Il sera sinon considéré que les réparations sont des frais auxquels l'acquéreur pouvait normalement s'attendre en raison de l'ancienneté du véhicule.
Pour se faire il est indispensable que l’expertise, amiable ou judiciaire, fasse état de l’origine du défaut ou de la cause de la panne de façon précise et ne se contente pas de la constater.
Dans le cas contraire, le juge n’hésitera pas à rejeter la demande de garantie puisqu’il ne pourra pas se prononcer sur la question de savoir si le défaut résulte d’une usure normale et prévisible ou d’un dysfonctionnement anormal constituant alors un vice caché.
A titre d’exemple, la Cour d'appel de Rennes a jugé dans un tel cas que :
« Force est ainsi de constater que l'expertise n'explique nullement en quoi la préconisation de remplacement de l'embrayage ne relève pas de l'usure normale du véhicule. […]
S'agissant du filtre à particule, si l'expert a constaté sa surcharge et la nécessité de procéder à son remplacement, il n'explique nullement en quoi cette nécessité présenterait un caractère anormal au regard de l'âge et du kilométrage du véhicule.
Il n'est ainsi pas démontré que les travaux préconisés par l'expert ne constituent pas des frais auxquels l'acquéreur peut normalement s'attendre en raison de l'ancienneté du véhicule. » Cour d'appel, Rennes, 2ème chambre, 15 Mars 2019 – n° 15/08303
Afin de mobiliser la garantie pour vice caché, il est donc indispensable pour l’acquéreur de prouver par un rapport d’expertise précis que le défaut ne résulte pas de l’usure normale.
Maître Emmanuel ABI KHALIL
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